Le groupe Bernard Hayot (GBH), principal groupe de distribution dans les territoires d’outre-mer, est désormais visé par une information judiciaire ouverte par le parquet national financier (PNF). Selon une source judiciaire, confirmant une révélation du quotidien Libération, cette enquête a été confiée à des juges d’instruction parisiens et porte sur des faits présumés d’escroquerie en bande organisée, d’abus de position dominante et d’entente.
Ouverte au mois d’août, la procédure vise en particulier le marché automobile outre-mer, un secteur stratégique pour GBH. D’après Libération, qui affirme avoir consulté des documents internes, les concessions automobiles du groupe, en situation ultra-dominante, pratiqueraient des marges allant jusqu’à trois ou quatre fois supérieures à celles observées en France hexagonale.
Les soupçons d’escroquerie portent notamment sur de possibles déclarations trompeuses faites par certains concessionnaires du groupe aux constructeurs automobiles. Ces derniers seraient suspectés de dissimuler leurs marges réelles, faussant ainsi les relations commerciales avec les fabricants. Par ailleurs, les magistrats instructeurs cherchent à déterminer si des pratiques d’entente ont pu exister entre GBH et certains de ses concurrents ultramarins.
Déjà régulièrement mis en cause dans le débat public, le groupe Bernard Hayot est souvent accusé de contribuer au coût de la vie élevé dans les Antilles. Ses détracteurs lui reprochent l’application de marges jugées excessives dans un contexte de concurrence limitée. Ce n’est qu’après une assignation en justice et une obligation de publication que GBH a rendu publics ses comptes pour l’année 2024, en juin dernier. Ces documents faisaient état d’un bénéfice net annuel de 202 millions d’euros.
Leader de la distribution aux Antilles, le groupe est particulièrement critiqué en Martinique, où les produits alimentaires sont en moyenne 40 % plus chers qu’en France hexagonale, selon des données de l’Insee datant de 2022. Cet écart de prix avait alimenté un important mouvement social contre la vie chère, marqué par des violences, à l’automne 2024.
GBH ne se limite toutefois pas à la grande distribution. Près de la moitié de son chiffre d’affaires provient de l’automobile, incluant la commercialisation, la location et les pièces détachées, ainsi que d’activités diversifiées comme le rhum et l’agroalimentaire. Bien que basé en Martinique, territoire où se concentrent les critiques, le groupe n’y réalise que 16 % de son chiffre d’affaires. Le reste se répartit entre la Guadeloupe (15 %), La Réunion (35 %) et l’international (32 %).
Cette information judiciaire marque une nouvelle étape dans l’examen des pratiques économiques des grands groupes de distribution outre-mer, sur fond de tensions persistantes autour du pouvoir d’achat et de la concurrence dans ces territoires.
