C’est une décision judiciaire inédite en France. Leal Réunion, distributeur automobile sur l’île de La Réunion, a été mis en examen le 27 mars dernier pour « violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ayant involontairement causé une incapacité totale de travail supérieure à trois mois ». Cette mise en cause fait suite à un accident survenu le 6 mai 2020, au cours duquel le conducteur d’une BMW, victime d’une violente explosion de l’airbag Takata, a subi de graves blessures, notamment au visage.
L’affaire s’inscrit dans le scandale mondial des airbags défectueux fabriqués par le groupe japonais Takata. Ce dispositif, installé dans des millions de véhicules à travers le monde, est soupçonné d’avoir causé au moins 60 décès dans 11 pays au cours des quinze dernières années, dont 18 en France.
Selon l’AFP, qui a eu accès à l’interrogatoire mené par le juge d’instruction de Saint-Pierre, un cadre de Leal Réunion a assuré que l’entreprise avait pris toutes les mesures nécessaires pour informer les détenteurs de BMW concernés. Il a cependant reconnu des difficultés à contacter les clients. Mais une expertise judiciaire conteste cette version, évoquant une véritable « inertie » de l’entreprise, qui n’aurait engagé des actions concrètes d’information qu’à partir de juillet 2020, soit deux mois après l’accident.
Le distributeur, qui conteste toute responsabilité, a demandé mardi à la cour d’appel de Saint-Denis d’être placé sous le statut de témoin assisté, juridiquement moins compromettant que celui de mis en examen.
L’un des avocats de Leal Réunion, Me Guillaume Martine, entend démontrer que son client « a mis en œuvre toutes les diligences possibles », dans un contexte où, selon lui, la dangerosité des airbags n’était pas encore bien connue. Il pointe également un manque de réactivité des pouvoirs publics à l’époque, regrettant notamment le refus de l’État d’accorder un accès au fichier SIV (Système d’immatriculation des véhicules) pour contacter plus efficacement les conducteurs concernés.
Depuis fin juin, la pression s’est accentuée sur les constructeurs et distributeurs : une nouvelle campagne de rappel a été lancée en France, visant 1,7 million de véhicules désormais interdits de circulation tant que les airbags incriminés n’ont pas été remplacés.
Cette première mise en examen pourrait ouvrir la voie à d’autres actions judiciaires dans l’Hexagone, où la mobilisation autour de ce scandale prend une ampleur nouvelle.