- Ce procès, scruté de près, porte sur un ensemble de versements jugés incompatibles avec le statut parlementaire de Serge Letchimy en 2016. Les magistrats estiment que des avantages financiers importants ont pu être accordés en dehors du cadre légal, impliquant plusieurs élus de Fort-de-France. L’issue de ces trois jours d’audience pourrait avoir des conséquences politiques majeures pour la ville comme pour la Collectivité territoriale de Martinique.
Le parquet national financier (PNF) convoque cette semaine à Paris Serge Letchimy, Didier Laguerre, Yvon Pacquit ainsi que l’ancien directeur général des services Max Bunod. Les enquêteurs leur reprochent d’avoir mis en place, début 2016, un dispositif permettant à Serge Letchimy de bénéficier d’avantages financiers alors qu’il cumulait encore un mandat de député.
L’affaire prend racine en janvier 2016. Après sa défaite aux élections régionales, Serge Letchimy reste député, mais le maire de Fort-de-France Didier Laguerre décide de le réintégrer à son ancien poste d’ingénieur territorial, occupé 15 ans plus tôt. À cette occasion, il perçoit trois mois de salaire, soit 23 465 € nets, au titre de “congés exceptionnels retraite”.
Pour le PNF, ce versement pose problème : le Code électoral interdit à un parlementaire d’être simultanément employé d’une collectivité territoriale, afin de préserver son indépendance vis-à-vis de l’exécutif local.
Comme l’explique Kevin Gernier, responsable plaidoyer à Transparency International France, cette règle vise à éviter tout lien de dépendance entre pouvoir législatif et exécutif, local ou national.
Mais le plus gros montant vient ensuite : une prime de 67 552 € lui est versée dans le cadre d’un “plan d’incitation au départ à la retraite” instauré lorsque Serge Letchimy était encore maire. Didier Laguerre assure que ce dispositif, élaboré avec les services de l’État, était appliqué équitablement et validé en toute transparence.
Problème : Letchimy ne travaillait plus à la mairie depuis 2001, en raison de ses mandats politiques successifs.
Autre point clé du dossier : la justice reproche aussi à Yvon Paquit, alors premier adjoint, d’avoir demandé le versement de cette prime en 2016, malgré le refus du comptable public au nom de la loi sur le non-cumul. Un an plus tard, la demande aurait été réintroduite auprès d’un autre comptable. Les magistrats s’interrogent : la municipalité pouvait-elle ignorer les réserves émises lors du premier refus ?
Enfin, Serge Letchimy est accusé d’avoir touché indûment 97 984 € supplémentaires, correspondant à trois années de pension versées par une caisse de retraite.
Les quatre hommes, qui contestent les accusations, sont présumés innocents. Ils seront jugés pendant trois jours devant la 34e chambre correctionnelle de Paris, connue notamment pour avoir condamné récemment l’ancien président Nicolas Sarkozy.







